TUNISIE: LA REVOLUTION TRACE SON CHEMIN

Je ne suis pas un analyste chevronné de la situation politique en Tunisie,, mais  ce pays a pour moi le goût d’une seconde patrie. Mes yeux pleuraient, en 2007, devant le spectacle ridicule de la commémoration de la prise du pouvoir par Ben Ali.  Ils pleuraient de honte, parce que cette terre, ce peuple, je les aime, et qu’ils étaient bafoués par ce régime inique. Ces mêmes yeux pleuraient d’ivresse le 14 janvier 2011, quand, courant sous la pluie parisienne, j’allais rejoindre mes frères tunisiens qui célébraient spontanément à Couronnes le départ du dictateur. Nous étions là, avec une poignée de camarades, aux côtés des nôtres.

PAIN, LIBERTÉ, DIGNITÉ NATIONALE

La révolution Tunisienne, partie de la périphérie oubliée, est venue ensemencer le monde de son esprit de liberté, de dignité. Le printemps arabe est loin d’être achevé, et se poursuit, à Tunis d’où j’écris ces quelques mots, dans les cahots de l’Histoire. Les islamistes ont pris le pouvoir suite aux premières élections libres du pays. Ils constituent, au sein d’une troïka, la majorité de l’assemblée nationale constituante, chargée de la rédaction de la seconde constitution du pays.

Hélas, les mots d’ordre de la révolution, « pain, liberté, dignité nationale » sont toujours d’actualité, et face à EnNahdha se dresse une coalition hétéroclite de centre droit, Nida Tounès, mais aussi le jeune front populaire, dont deux leaders ont été assassinés ces derniers mois.

« SITTINEURS » vs. TROÏKA

Les travaux de l’assemblée constituante sont désormais arrêtés. Ennahdha propose leur reprise et la création d’un gouvernement d’union nationale, le temps de lancer de nouvelles élections dont la date se fait attendre. Un arc d’opposition allant du centre droit à la gauche radicale s’oppose à ces travaux, en « sittinant » au Bardo, en banlieue de Tunis. Ils manifestent jour après jour, demandant un gouvernement de technocrates et la dissolution de l’assemblée. Mes amis se rendent régulièrement au Bardo, pour soutenir ce grand mouvement remettant en cause la légitimité du pouvoir islamiste.

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Face à cette impasse, l’UGTT, la puissante centrale syndicale historique, se pose en arbitre entre le Bardo et la Troïka. Elle n’appelle pas à la dissolution de l’assemblée, mais à la création d’un gouvernement réduit de technocrates.

C’EST QUOI, UN « GOUVERNEMENT DE TECHNOCRATES »?

Pour ma part, je suis sceptique quant à la stratégie affichée par nos camarades du Front populaire. Manifester au Bardo est intéressant, mais je ne crois pas à ce que demandent les sittineurs, à savoir à la création d’un gouvernement de technocrates supposés neutres. Ca n’existe tout simplement pas,  un « gouvernement neutre », c’est souvent un faux-nez pour une politique de droite.

De même, avec certains éléments du front populaire, je déplore la stratégie d’alliance Front populaire-Nidâa Tounès,  et préfèrerait au contraire un affichage politique indépendant, pour ne pas brouiller le message : la gauche, ce n’est pas la droite ; les objectifs de la révolution sont toujours à atteindre, et ils posent de plein fouet la question sociale. Il est contreproductif de s’afficher dans un arc politique attrappe-tout dont le seul message qu’on retiendra est son opposition aux islamistes. Je pense qu’il faudrait rester ferme sur la tenue dans quelques mois d’élections, pour, après la bataille électorale, après avoir fait vivre le message de la gauche, gouverner s’il le faut avec les centristes, mais  le faire de façon indépendante, avec ses propres mots d’ordre, sûrs des forces de la gauche de gauche démontrées par le scrutin.

POUR UNE CAMPAGNE INDEPENDANTE

Je pense en somme qu’il,est temps  d’exiger une conférence sociale et de lancer une campagne électorale dynamique, de mettre en lumière la profonde lutte des classes en se faisant la courroie de transmission des conflits sociaux qui ont lieu dans le pays. Il en va justement des objectifs de dignité qui fondèrent cette révolution. Il en va de l’installation durable de la gauche dans le paysage politique du pays. Puisse le peuple tunisien, qui a fait irruption dans l’histoire, trouver dans un front populaire indépendant le continuateur à ses côtés de la révolution qui secoua le monde entier.

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